Violence psychologique, harcèlement

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Catherine rencontre Jean, patron d’une PME, Jean est un homme charismatique, sûr de lui et terriblement séduisant. Elle tombe rapidement amoureuse mais, au bout de 18 mois, elle découvre l’existence de Virginie, en couple avec Jean depuis plus de 10 ans… Puis c’est au tour de Brigitte qui appelle pour lui demander quel rôle elle a dans la vie de Jean…

Voilà l’exemple d’un discours d’une femme victime d’un manipulateur. Mais le pire est à venir comme l’explique Catherine « Je savais que ça me mènerait nulle part, mais c’était plus fort que moi, j’avais besoin de le revoir, j’étais certaine qu’il avait changé, que j’étais la femme de sa vie ». Mais rien n’a changé et après une phase d’idylle, Jean lui fait de nouveau de cinglants reproches et l’insulte copieusement. Mais Catherine semble incapable de s’en séparer. Ses amis, sa famille, plus personne ne la comprend. La solution semble si simple : « quitte-le ! » Mais Catherine en est incapable, à bout de nerf, dépressive elle ne comprend plus ce qui lui arrive.

C’est ce qui est le plus frustrant pour l’entourage et la victime elle-même : l’incapacité de s’échapper de l’emprise de cet homme. Pourquoi ?

Certains psychanalystes parlent d’un masochisme de la femme, une recherche inconsciente de l’échec. D’autres pensent que certaines femmes se mettent inconsciemment en danger en choisissant un profil d’homme potentiellement violent (macho, durs..). Mais c’est une grave erreur car il existe différentes formes de violence et elles ne sont pas l’apanage des machos. De même il n’y a pas de profil ou de faille particulière chez les femmes victimes de violence psychologique. Elles peuvent avoir été fragilisées par une histoire infantile chargée ou par malchance, tomber sur un partenaire potentiellement violent qui exploitera n’importe quelle faille de sa partenaire.

Je parle de femmes car les victimes de violences psychologiques sont souvent des femmes mais l’on commence à voir aussi des hommes. De même les couples homosexuels, hommes ou femmes, n’y échappent pas non plus, cela démontre que ce type de violence n’est pas un problème de genre.

« Lorsque j’ai rencontré Louis, il voulait que je change de travail, il disait que j’avais le potentiel de faire beaucoup mieux. Il m’a proposé de me prendre dans sa société le temps de me retourner. Puis il m’a ensuite reproché d’être trop proche de ma mère et qu’il fallait que je coupe le cordon ».

L’emprise peut commencer ainsi : le partenaire cherche à contrôler sa victime en l’empêchant de progresser ou de reprendre des études (« Si tu reprends des études, qui va s’occuper des enfants ? Tu veux vraiment les livrer à eux même ? ») Ou bien en l’isolant de sa famille, de ses amis (« je ne les aime pas beaucoup eux… ils ont une mauvaise influence… »). Vient ensuite la jalousie, d’abord considérée comme de l’amour (« il est jaloux parce qu’il m’aime  ») mais rapidement le partenaire devient suspicieux, se persuade d’intentions non fondées et le harcèlement devient plus manifeste. Les mails, le téléphone mais, plus que tout, les SMS : « tu es ou ? Tu fais quoi ? » Des messages en apparence ordinaires mais répétés à satiété qui sont ni plus ni moins que de la surveillance constante.

« Elle voulait savoir à quelle heure je rentrerai. Dès que j’ai 15’ de retard, elle m’appelle pour m’insulter, me dit que ce n’est plus la peine que je rentre et que je peux dormir chez ma pétasse. » Alain était simplement coincé dans les embouteillages et n’avait pas eu envie de répondre aux 5 ou 6 appels en absences d’Estelle. Mais pour Estelle « il me manque trop, j’ai besoin de lui, de le voir et je ne peux pas supporter l’idée qu’il me trompe. Quand on s’aime, c’est normal d’avoir envie de se voir tout le temps non ?! »

La violence s’installe avec le dénigrement, des actes d’intimidation (comme ici avec Estelle) parfois des humiliations : le partenaire cherche à rabaisser sa victime, à la ridiculiser et de préférence en public. Parfois l’humiliation se fait dans l’intimité de la relation sexuelle ce qui  augmenter le sentiment de honte chez la victime et l’isole davantage.

L’explication de cette emprise

La victime subit des attaques incessantes : microviolences, attaques verbales et/ou non verbales, harcèlement qui entrainent une diminution de la résistance de la victime qui, progressivement, ne réagit plus. La victime se met à douter de son propre ressenti et, puisqu’elle ne perçoit pas d’intentionnalité ou de méchanceté chez son partenaire, elle lui trouve des excuses et relativise les actes de violence. C’est ce que l’on appelle l’impuissance apprise : quand un individu apprend par expérience qu’il est incapable d’agir sur son environnement pour le transformer en sa faveur, il devient, physiologiquement, incapable d’apprendre. Et c’est exactement ce qui se passe pour la victime : quoiqu’elle fasse, elle ne peut pas anticiper ou contrôler la violence de son partenaire. Pour éviter  une confrontation qui pourrait être dangereuse ou épuisante, la victime perd toute motivation et développe un sentiment d’incompétence. Elle ne peut plus s’adapter à la situation.

La dépendance est une conséquence de l’emprise et de la manipulation : il se crée une véritable addiction.

Comment sortir de cette emprise ?

Il faut en premier lieu reconnaitre que l’on est victime de la violence psychologique de son ou de sa partenaire. Par exemple se demander « et si je lui faisais la même chose, comment réagirait-il ? » ou se demander si c’est normal d’être traité(e) ainsi. On peut faire le parallèle avec l’emprise d’une secte sur un individu : le contrôle, l’isolement puis le harcèlement et l’humiliation pour prévenir toute possibilité d’émancipation. On observe aussi une indifférence aux demandes affectives du/de la partenaire. Le manipulateur affiche ostensiblement son rejet ou son mépris par exemple.

Il faut avoir conscience qu’une personne victime de violence psychologique ne le doit pas à une faille ou une pathologie mais à la personnalité pathologique de son ou de sa partenaire. Comme je l’ai dit plus haut, il n’y a pas de profil de victime.

Qui sont ces manipulateurs/rices ?

C’est une question difficile car ils sont multiples. Les plus fréquents sont, chez les hommes, les personnalités narcissiques et, chez les femmes, les personnalités border line (mais l’inverse existe aussi).

Les personnalités narcissiques  sont en général adaptées socialement et aiment le pouvoir. On les trouve d’ailleurs souvent à des postes à responsabilités. Ces individus ont un très bon contrôle de leurs émotions, cela vient de leur manque d’empathie et d’une insensibilité aux émotions, en particulier à celles des autres. Cette froideur en fait de très bons stratèges et leur permet d’exploiter les failles de leurs partenaires sans la moindre culpabilité. Ils pensent souvent savoir mieux que les autres ce qui est bien ou mal et sont volontiers moralisateurs en donnant des leçons de probité.  Mais le plus important c’est qu’ils n’ont pas conscience de leur violence psychologique, ils sont prisonnier de leur propre image. Une image tellement idéale qu’elle les rend impuissant et les pousse continuellement à se rassurer. C’est probablement pour cela que le narcissique n’aime pas, il souhaite surtout être admiré. Le narcissique utilise l’autre pour qu’il ou elle lui renvoie une bonne image et calme ses angoisses. Ce type de personnalité consulte peu.

Les personnalités border line ont des réactions émotionnelles intenses et instables. Elles sont impulsives ce qui peut entrainer des comportements agressifs en particulier en réponse à une frustration. Cette instabilité vient d’un profond sentiment de vide qui les pousse à être en constante demande affective au point de saturer le partenaire qui peut réagir de manière violente ou par le rejet, ce qui risque d’entrainer une réaction agressive chez la personnalité border line. Elles recourent parfois aux drogues (alcool, cannabis ou cigarette) pour tenter de réduire leur tension interne.

Comment se protéger ?

Il y a dans le choix amoureux incontestablement des problématiques psychiques complémentaires. Par exemple une femme avec un fort besoin d’aide, de réparer, peut choisir un partenaire qui aura besoin que l’on s’occupe beaucoup de lui. Si, par malchance, elle tombe sur un homme avec un profil narcissique elle cherchera à être toujours plus gentille, tolérante, irréprochable pour se valoriser au travers de son regard et cela fonctionnera parfaitement puisque le narcissique a besoin d’être admiré et rassuré… Mais gare, si la femme commence à s’occuper plus d’elle, à vouloir évoluer hors du regard de son partenaire… Un homme qui a besoin de dominer choisira une femme plus jeune et/ou immature. L’objectif de cette complémentarité est de lutter contre ses angoisses respectives. Apprendre à mieux connaitre ses propres failles, savoir repérer les personnalités pathologiques et les signes de violence est sans aucun doute la meilleure des protections !